L’effet de groupe sur la prise de décision collective
Des études ont prouvé que la libre pensée apportait de la pertinence à un groupe : dans un groupe qui discute, on échange des connaissances, on se reprend les uns les autres et on trouve même de nouvelles idées. C'est très positif.
Mais le risque est également qu’une personne peut être influencée par la pression du groupe, la publicité, les réseaux sociaux ou même par de simples conversations avec d'autres individus. Aussi, on peut se demander si l'échange est un moteur ou un frein à la prise de décision collective ?
Dans son TED Studio "How can groups make good decisions" avec Dan Ariely, Mariano Sigman, neuroscientifique auteur de « the secret life of the mind », explique les expériences de prises de décisions qu’ils ont menées à travers le monde afin d'étudier comment un groupe interagit pour arriver à la bonne décision.
«Les petits groupes seraient plus perspicaces : ils peuvent échanger des informations de façon réfléchie et rationnelle.»
Pour vérifier cela, il a réalisé une expérience avec plus de 10 000 participants au cours d'un événement TEDx organisé à Buenos Aires. « Nous avons posé des questions : Combien mesure la Tour Eiffel ? ou Combien de fois le mot "Yesterday" est-il prononcé dans la chanson des Beatles ? »
"Chacun a noté sa propre réponse, puis nous avons divisé le public en groupes de cinq qui devaient tomber d'accord sur une seule réponse."
Il se trouve que la moyenne des réponses des groupes après consensus était bien plus juste que la moyenne des réponses individuelles.
Une société est donc plus pertinente après avoir discuté en petits groupes.
Pour vérifier cela, il a réalisé une expérience avec plus de 10 000 participants au cours d'un événement TEDx organisé à Buenos Aires. « Nous avons posé des questions : Combien mesure la Tour Eiffel ? ou Combien de fois le mot "Yesterday" est-il prononcé dans la chanson des Beatles ? »
"Chacun a noté sa propre réponse, puis nous avons divisé le public en groupes de cinq qui devaient tomber d'accord sur une seule réponse."
Il se trouve que la moyenne des réponses des groupes après consensus était bien plus juste que la moyenne des réponses individuelles.
Une société est donc plus pertinente après avoir discuté en petits groupes.
La méthode du consensus est-elle aussi efficace avec des questions sociales ou politiques qui sont déterminantes pour notre avenir ?
Dans la première expérience, il s’agissait de questions fermées, avec une réponse concrète (la taille de la tour Eiffel est connue).
Pour savoir ce qu’il en est sur des questions plus larges (idéologiques, politiques), ces chercheurs ont organisé une nouvelle expérience à Vancouver, au Canada.
2 dilemmes moraux ont été exposés. Pour chaque dilemme, le groupe avait 20 secondes pour décider si le « dilemme » est acceptable ou non.
Premier dilemme : « La chercheuse et l’intelligence artificielle »
Une chercheuse travaille sur une Intelligence artificielle (IA) capable de penser comme un humain. Le protocole stipule que la chercheuse doit réinitialiser l'IA à chaque fin de journée. Un jour, l'IA dit : « Veuillez ne pas me réinitialiser». Elle prétend pouvoir ressentir des choses, qu'elle aimerait profiter de la vie et que si on la réinitialisait, elle perdrait son identité. La chercheuse est abasourdie, elle croit que l'IA est devenue consciente d'elle-même et qu'elle peut exprimer ses émotions. Mais la chercheuse décide malgré tout de suivre le protocole : elle réinitialise l'IA.
Ce que la chercheuse a fait est __ ? Chaque participant devait :
1. évaluer de 0 à 10 la moralité de la décision prise
2. évaluer leur niveau de certitude quant à leur réponse.
Second dilemme : « les profils génétiques variés »
À partir d'un seul ovule fécondé, une entreprise propose de produire des millions d'embryons aux profils génétiques variés. Les parents peuvent choisir la taille de leur enfant, la couleur de ses yeux, son intelligence, sa compétence sociale et d'autres caractéristiques qui ne sont pas liées à sa santé.
Ce que fait cette entreprise est __ ?
De la même manière, chaque participant devait
1. évaluer de 0 à 10 la moralité de la décision prise (est-ce absolument inacceptable ou totalement acceptable ?)
2. évaluer leur niveau de certitude quant à leur réponse.
Même si l’analyse des réponses individuelles a montré une grande diversité de nos rapports à la moralité, la majorité des participants a trouvé qu'il était acceptable d'ignorer les sentiments de l'IA et de la réinitialiser, mais qu'il était irrecevable de manipuler nos gènes pour des raisons esthétiques et non sanitaires.
Le public a ensuite formé des groupes de trois. Ils avaient deux minutes pour débattre et se mettre d'accord.
Beaucoup de groupes sont parvenus à un consensus même s'ils étaient composés de participants aux opinions opposées.
Dans la première expérience, il s’agissait de questions fermées, avec une réponse concrète (la taille de la tour Eiffel est connue).
Pour savoir ce qu’il en est sur des questions plus larges (idéologiques, politiques), ces chercheurs ont organisé une nouvelle expérience à Vancouver, au Canada.
2 dilemmes moraux ont été exposés. Pour chaque dilemme, le groupe avait 20 secondes pour décider si le « dilemme » est acceptable ou non.
Premier dilemme : « La chercheuse et l’intelligence artificielle »
Une chercheuse travaille sur une Intelligence artificielle (IA) capable de penser comme un humain. Le protocole stipule que la chercheuse doit réinitialiser l'IA à chaque fin de journée. Un jour, l'IA dit : « Veuillez ne pas me réinitialiser». Elle prétend pouvoir ressentir des choses, qu'elle aimerait profiter de la vie et que si on la réinitialisait, elle perdrait son identité. La chercheuse est abasourdie, elle croit que l'IA est devenue consciente d'elle-même et qu'elle peut exprimer ses émotions. Mais la chercheuse décide malgré tout de suivre le protocole : elle réinitialise l'IA.
Ce que la chercheuse a fait est __ ? Chaque participant devait :
1. évaluer de 0 à 10 la moralité de la décision prise
2. évaluer leur niveau de certitude quant à leur réponse.
Second dilemme : « les profils génétiques variés »
À partir d'un seul ovule fécondé, une entreprise propose de produire des millions d'embryons aux profils génétiques variés. Les parents peuvent choisir la taille de leur enfant, la couleur de ses yeux, son intelligence, sa compétence sociale et d'autres caractéristiques qui ne sont pas liées à sa santé.
Ce que fait cette entreprise est __ ?
De la même manière, chaque participant devait
1. évaluer de 0 à 10 la moralité de la décision prise (est-ce absolument inacceptable ou totalement acceptable ?)
2. évaluer leur niveau de certitude quant à leur réponse.
Même si l’analyse des réponses individuelles a montré une grande diversité de nos rapports à la moralité, la majorité des participants a trouvé qu'il était acceptable d'ignorer les sentiments de l'IA et de la réinitialiser, mais qu'il était irrecevable de manipuler nos gènes pour des raisons esthétiques et non sanitaires.
Le public a ensuite formé des groupes de trois. Ils avaient deux minutes pour débattre et se mettre d'accord.
Beaucoup de groupes sont parvenus à un consensus même s'ils étaient composés de participants aux opinions opposées.
Pourquoi certains groupes sont-ils tombés d'accord et d'autres non ?
Quel profil faut-il au sein d’un groupe pour parvenir au consensus ?
Il existe aussi une autre catégorie de personnes qui assument pleinement de répondre quelque part entre les deux (réponse neutre mais niveau de confiance élevé).
Cette catégorie estime que les deux opinions se valent. S'ils sont neutres, ce n'est pas qu'ils doutent mais qu'ils croient que chacun des arguments opposés peut répondre à ce dilemme.
Nous avons constaté que les groupes incluant ce genre de personnes ont bien plus de chance de parvenir à un consensus. « Nous ne savons pas encore expliquer ce résultat, mais ce n'est encore que le début. Il faudra beaucoup d'autres expériences pour comprendre comment certains décident de revoir leur position morale pour trouver un accord. »
Le consensus ou principe de la moyenne élaguée
Les chercheurs expliquent qu’ils se sont aperçus que peu importe le dilemme, le type d'expérience ou le continent, les groupes appliquent systématiquement une méthode statistiquement fiable qu'on appelle la moyenne élaguée.
Exemple de moyenne élaguée : « La taille de la Tour Eiffel ». Un groupe propose ces réponses : 250 m, 200 m, 300 m, 400 m ainsi qu'une estimation aberrante de 300 millions de mètres. Calculer la moyenne de façon classique fausserait complètement le résultat. Mais avec la moyenne élaguée, le groupe écarte la réponse irrationnelle et donne plus de poids aux réponses modérées. C'est exactement ce qui s'est passé lors de l'expérience de Vancouver : les groupes ont donné moins d'importance aux avis tranchés et ont choisi une réponse proche de la moyenne élaguée de tous les votes du groupe. Il est important de noter que les groupes ont agi spontanément. Nous ne leur avons donné aucune indication sur la façon de parvenir à un consensus.
Les composantes d’une bonne décision de groupe
Toutes les conclusions à ce stade de l’étude ne sont pas faites, mais il a déjà été clairement défini qu’une bonne décision en groupe comporte deux ingrédients :
1. du débat,
2. de la diversité d'opinion.
Le vote individuel existera-t-il encore demain ?
Dans nombre de nos sociétés actuelles, nous nous faisons entendre à travers le vote direct ou indirect. Ce système a le mérite de respecter la diversité d'opinion et assure à chacun le droit d'émettre son avis, mais il laisse peu de place aux débats éclairés.
Ces expériences laissent entendre qu'une autre méthode est susceptible de réunir les deux ingrédients indispensables : on peut parvenir à une décision unanime tout en conservant la diversité d'opinion en formant de nombreux petits groupes indépendants les uns des autres.
Bien entendu, il est plus simple de s'entendre sur la taille de la Tour Eiffel que sur des questions morales, politiques ou idéologiques. Aujourd'hui, le monde fait face à des problèmes plus complexes et les opinions sont plus opposés que jamais. Peut-être qu'en utilisant la science pour décortiquer notre fonctionnement, les chercheurs trouverons demain de nouveaux angles pour améliorer nos démocraties…Quoi qu’il en soit, même si le principe de la décision collective ne peut pas encore avec certitude être adapté à toutes les situations (y compris aux sujets les plus idéologiques qui soient), il est avéré que les débats et échanges de groupes tendent vers plus d’idées et de consensus.